RATP : visite du tramway
des Maréchaux sud
Cette ligne de tramway maintenant dénommée T3 succédera,
en Île-de-France, aux lignes T1, Saint-Denis – Noisy-le-Sec,
et T2, La Défense – Issy-Val-de-Seine exploitées
également par la RATP, mais sera la première à
remettre les rails dans Paris intra-muros. Soit une éclipse
de sept décennies, après l’éviction des
tramways parisiens gagnée par une industrie automobile et pétrolière
agressive soutenue par les pouvoirs publics et le consensus d’un
public abusé par le miroitement d’une pseudo-modernité.
Elle parcourt les boulevards des Maréchaux des XVe,
XIVe et XIIIe arrondissements de Paris, depuis
le Pont du Garigliano jusqu’à la Porte d’Ivry.
Longue de 7,9 km elle desservira 17 stations, ce qui donne une interstation
moyenne de 494 m, intermédiaire entre celle du métro
et des autobus. De ce fait et aussi grâce à une priorité
donnée aux carrefours par le système de régulation,
la vitesse moyenne pourra s’élever à 20 km/h,
au lieu de 14,5 km/h pour le PC1 qu’il remplacera.
Elle renforcera le maillage du réseau ferré en permettant
la correspondance avec les lignes 4, 7, 8, 12 et 13 du métro,
les lignes B et C du RER et la ligne de tramway T2 (après le
prolongement à Porte de Versailles), ainsi qu’avec 37
lignes de bus. Les rames circuleront à un intervalle de 4 minutes
aux heures d’affluence. Le trafic devrait atteindre 100 000
voyageurs/jour. Une quarantaine de membres de l’AFFI ont pu
la visiter le mardi 29 novembre, grâce à l’autorisation
et à la disponibilité de Gérard Arrondeau, responsable
de l’entité voie et André Couy, maître d’œuvre
travaux, de la RATP. Nous fûmes chaleureusement accueillis près
du terminus du Pont du Garigliano, pour une présentation générale
en salle. La visite se pousuivit par ce terminus, une plate-forme
dont tous les équipements sont en place jusqu’à
la Porte de Sèvres où s’insère le raccordement
de l’atelier de maintenance du matériel roulant, ce qui
permet de procéder aux essais des premières rames réceptionnées.
L’aspect définitif de la ligne, résultant du
parti architectural défini essentiellement par la Ville de
Paris se caractérise là par deux éléments
visuels principaux :
- d’une part la plate-forme engazonnée et différents
éléments de bordure et de traversée en granit ;
cette « verdure » contribue à la qualité
de l’insertion de la ligne dans la ville ; si les coûts
d’installation, et de maintenance, compte tenu du système
d’arrosage automatique piloté par une station météo,
en sont bien sûr plus élevés que pour un simple
ballast, on évitera les déboires connus ailleurs entraînés
par des revêtements de pavés ;
- d’autre part la ligne aérienne de contact (LAC)
et ses supports ; ceux-ci sont implantés latéralement,
à la différence de la ligne T2 où ils sont
centraux ; un choix qui peut paraître surprenant, malgré
la ligne élégante des supports, du fait d’un
impact visuel sensiblement plus important, à l’encontre
de l’objectif habituel des architectes urbanistes pour ce
genre d’équipement.
La ligne est établie entièrement en site propre protégé
par des bordures, en milieu de chaussée sur la majeure partie
du parcours, latéralement dans 2 zones limitées, cela
sur un espace prélevé sur la voirie routière
des boulevards des Maréchaux. On est donc là dans une
configuration essentiellement différente de celle de la ligne
T1 où la circulation des trams est obérée par
des parcours importants en voirie partagée, notamment à
Saint-Denis, mais aussi de celle de T2 dont l’emprise actuelle
est celle d’une ancienne plate-forme ferroviaire.
Après avoir suivi le raccordement de service nous avons pu
visiter le site de maintenance et remisage établi rue du général
Lucotte dans le XVe arrondissement, le long du Boulevard
périphérique dans un environnement assez étroit
qui a nécessité la construction d’un mur de soutènement.
C’est un élément stratégique de la ligne
puisqu’on y trouve :
- le poste de commandement de la ligne ;
- un faisceau de remisage des rames ;
- la station-service avec sa machine à laver ;
- l’atelier de maintenance du matériel roulant et
des locaux sociaux ;
- deux postes de redressement.
C’est le matériel Citadis 402 construit par Alstom
dans son usine d’Aytré qui a été choisi
pour constituer le parc de 21 rames nécessaire à l’exploitation
de la ligne. Chaque rame, longue de 43 m, se compose de 7 caisses
sur 4 bogies à roues indépendantes, dont 2 roues en
diagonale sur chaque bogie sont motorisées, qui permettent
un plancher bas intégral. Le choix de la largeur de 2,65 m,
au lieu de 2,40 m pour T1 et T2, résulte de l’importance
du trafic prévu. La capacité s’élève
ainsi à 304 places dont 78 assises. Une ventilation réfrigérée
assurera le confort des voyageurs. 3 groupes de 2 postes de redressement
alimentés en 20 kV fourniront le 750 V continu à la
ligne de contact bifilaire identique à celles de T1 et T2.
Après l’atelier, un bus mis à notre disposition,
nous a permis de rejoindre le chantier situé entre la Cité
Universitaire et la Poterne des Peupliers, pour y voir les 2 types
de pose, la pose classique sur traverses béton biblocs noyées
dans un lit de béton de calage, avec attaches Nabla, et la
pose de type Corkelast sans attaches là où la hauteur
disponible est réduite. Le rail est partout un rail à
gorge modèle Corus 35 GP en coupons de 18 m pesant 50 kg/m.
En dehors des zones engazonnées qui couvrent 2/3 du parcours,
le revêtement est constitué de granit ou de béton
désactivé. Dans les 19 plus importants des 37 carrefours
a été mise en œuvre une méthode nouvelle,
testée sur le prolongement de T1 à Noisy-le-Sec, utilisant
des dalles préfabriquées, permettant de réduire
sensiblement le temps de pose et de rendre plus rapidement les carrefours
à la circulation. Les dalles mesurent 3 m de large et jusqu’à
15 m de long et pèsent jusqu’à 32 t ; elles
intègrent les rails, les bordures séparatrices et le
revêtement définitif en béton désactivé,
à raison de 4 à 6 dalles pour un carrefour.
La maîtrise d’ouvrage de la ligne est assurée
conjointement par la RATP pour le système de transport et la
Ville de Paris pour l’aménagement, la maîtrise
d’œuvre par la RATP pour le système de transport
et Gautrams pour l’aménagement.
Le coût de la ligne s’élève à 214,11
M€ auxquels s’ajoutent 52,8 M€ pour le matériel
roulant. La mise en service se profile actuellement pour décembre
2006.
Un prolongement est d’ores et déjà prévu
de la Porte d’Ivry à la Porte de Charenton, soit 2,4
km supplémentaires, permettant une correspondance avec la ligne
8 qui dessert Créteil, avec une mise en service pour 2011.
L’étape suivante vise la Porte de la Chapelle, avec encore
13,2 km.
La visite s’est terminée au dépôt d’Ivry
par un buffet qui a ainsi permis à chacun de prolonger les
entretiens. Nous remercions à cet égard, l’équipe
de la RATP qui a contribué par son soutien et sa disponibilité,
au bon déroulement de cette Rencontre.
En conclusion, nous avons là un beau projet d’une ligne
qui méritera un très probable succès et fera
mentir ses détracteurs. La visite ne peut que confirmer la
pertinence du tracé sur les boulevards des Maréchaux
plutôt que sur l’ancienne ligne de Petite Ceinture, un
temps envisagé, car :
- d’une part le tracé des Maréchaux assurera
manifestement une meilleure connexion avec le réseau lourd,
RER et métro et a fortiori avec les bus et une bien meilleure
facilité de l’accès pour les personnes à
mobilité réduite,
- d’autre part l’opposition des riverains au tracé
de la PC aurait été nécessairement corroborée
par l’étude d’impact en matière de nuisances
sonores. On ne peut douter que l’avantage de coût apparent
en faveur de la « réutilisation de l’infrastructure
existante » de la Petite Ceinture aurait été
annihilé tant par la nécessité de recréer
de fait les stations et leurs accès et en les équipant
en outre pour les rendre praticables aux personnes à mobilité
réduite, que par les aménagements qu’il aurait
fallu inéluctablement consentir (ouverture de voies majoritairement
aériennes), à l’instar de ce qui s’est
passé pour la VMI (Versailles Massena Invalides) dans Paris,
alors que les exigences environnementales n’ont fait qu’exploser
depuis lors.
Ce projet a pu aboutir dans des délais remarquablement courts
par rapport à ceux constatés couramment grâce
à une forte volonté politique de la Ville de Paris et
à l’implication de la RATP.
Pierre Beuchard