Rencontre AFFI-EIFFAGE/TP
FERRO
Visites du viaduc de Millau et du chantier de percement du tunnel
du Perthus
Ces visites techniques ont été organisées grâce
au concours de la société EIFFAGE, qui a réalisé
et qui exploite le Viaduc de Millau, pont routier le plus haut du
monde, et TP FERRO, groupement en charge de la nouvelle ligne à
grande vitesse Sud-Europe, « Figueras – Perpignan »,
avec notamment le percement du tunnel du Perthus (EIFFAGE est également
partenaire dans ce groupement).
Le viaduc de Millau
La journée du 13 septembre fut essentiellement consacrée
à la découverte du viaduc de Millau, dernier maillon
de l’autoroute A75, Clermont-Ferrand – Béziers.
Cet ouvrage achevé le 14 décembre 2004, après
environ 3 ans de travaux est exceptionnel et va marquer notre histoire
industrielle et technologique, comme l’a souligné le
Président Jacques Chirac dans son discours inaugural.
C’est donc une trentaine de membres privilégiés
de l’AFFI (nombre limité par nos hôtes), sous la
conduite d’un guide très disert, qui ont pu observer
cet ouvrage présenté préalablement à l’aide
de vidéos, puis en détail sur le terrain. Pour ce faire,
nous nous sommes rendu au pied de la pile P2, la plus haute, qui culmine
à 245 mètres au-dessus du Tarn. Cette pile, comme ses
6 homologues, se caractérise par une variation constante de
sa section. Ainsi, elle se dédouble sur les 90 derniers mètres
supérieurs, la surface passant de 200 m2 à la base à
30 m2 au sommet. Le tablier de section variable, en acier haubané,
culmine lui à 270 mètres, et pèse 36 000
tonnes (5 fois le poids de la Tour Eiffel). Il est en rampe de 3 %
dans le sens nord-sud. Toutes les soudures ont été vérifiées
in situ par des techniciens SNCF, détachés spécialement
sur le chantier. Le volume de béton utilisé pour les
culées et les piles atteint 85 000 m3, dont plus de 50 000
m3 de béton à haute performance.
Lors de notre déplacement au pied de la pile P2, nous avons
eu le plaisir de voir passer deux trains régionaux TER « Béziers-Millau »
et l’on ne put s’empêcher, à cette occasion,
de comparer cette infrastructure ferroviaire du XIXe siècle,
aujourd’hui bien désuète, à ce grand ouvrage
dédié au transport routier !
Cliquez sur l'image pour l'agrandir
Après un déjeuner fort sympathique dans la charmante
ville de Millau, nous avons rejoint Perpignan en bus. Un dîner-débat
avait été organisé par notre ami Claude Auger
de l’Association Énergie TGV, à Rivesaltes au
Domaine de Rombeau. Plusieurs personnalités s’étaient
jointes à notre groupe, Monsieur François Calvet, Député-Maire
de Soler, Madame Fabre, élue de la Mairie de Perpignan, en
charge du dossier TGV, Monsieur Hamelin, directeur de l’urbanisme
à la Mairie de Perpignan, Monsieur Paul Pays, président
de l’Association, Monsieur Pierre Martin responsable de la société
EIFFAGE et Monsieur Francis Amans. De notre côté, nous
avions également convié nos amis de l’Association
AIIF, l’AFFI espagnole, Monsieur José-Maria Pérez
Révenga, président, Monsieur Alberto Echeverri, vice-président
et Ignacio Barron de Angoiti, secrétaire général,
bien connu des membres AFFI ayant participé aux Rencontres
avec la RENFE en Espagne. Le débat articulé autour de
la LGV « Perpignan-Figueras » fut très
animé et fort intéressant.
Le chantier de percement du tunnel du Perthus
Le 2e jour, consacré à la visite du chantier
de percement du tunnel du Perthus, fut l’occasion de passer
la frontière pour rejoindre la « base-travaux »
de La Junquera, implantée à la tête sud du tunnel,
sur le versant espagnol du massif des Albères.
Le Directeur général du groupement TP FERRO, Monsieur
Eusebio Corregel, n’ayant pas pu être avec nous, était
représenté par le directeur technique, le directeur
du chantier et Madame Marie Larguier, chargée de la communication
EIFFAGE.
TP FERRO est formé des sociétés EIFFAGE TP,
DRAGADOS, COBRA Instalaciones y Servicios, et FORCLUM. Le coordinateur
du groupement, SENER, réalise les études des travaux
extérieurs en Espagne ainsi que ceux des équipements,
INGEROP réalise les études des travaux extérieurs
en France, ARCADIS celles du Tunnel et TUCRAIL celles des équipement
ferroviaires. La présentation du chantier se fit en salle,
autour d’une superbe maquette du tunnelier.
En fait ce sont 2 tunneliers «Tramontana et Mistral»
qui perceront le Perthus. Construits par la société
Herrenknecht, ils pèsent chacun 2300 tonnes et mesurent 150
mètres de long avec leur train suiveur et sont capables d’exercer
avec leur vérins, une poussée de 17800 tonnes. Ils sont
spécialement étudiés pour travailler dans les
formations rocheuses difficiles qu’ils vont rencontrer et disposent
en conséquence d’une double jupe et de 2 séries
de vérins. Leur roue de coupe possède 64 molettes pesant
chacune 140 kg. L’ouvrage qu’ils auront à excaver
d’ici février 2007, lorsqu’ils déboucheront
du côté français à Montesquieu-des-Albères,
est long de 8,3 km, dont 7,3 km en France. L’avancement est
de 17 mètres par jour. Le tunnel du Perthus comprendra 2 tubes
parallèles de 8,50 mètres, reliés tous les 200
mètres par 41 rameaux de communication qui seront munis de
portes étanches. À titre de comparaison, le tunnel sous
la Manche est constitué de 2 tubes parallèles de 7,60
mètres de diamètre, reliés à une galerie
de service tous les 375 mètres par des rameaux de communication
munis de portes étanches et reliés entre eux tous les
250 mètres par des rameaux de pistonnement munis de vannes
étanches fermées en cas de dégagement de fumée
dans l’un des tunnels. En outre, le tunnel sous la Manche dispose
d’un système de ventilation et désenfumage très
élaboré qui n’a pas été jugé
nécessaire pour l’ouvrage du Perthus, compte tenu de
sa longueur.
Toujours au chapitre du génie civil, en ce qui concerne le
creusement, une fenêtre d’environ 600 mètres est
réalisée au lieu-dit «les Cluses», à
peu près à mi-chemin du parcours, pour constituer un
accès de chantier intermédiaire. De ce point, une galerie
d’environ 1100 mètres de longueur, parallèle aux
futurs tunnels sera creusée afin de détecter d’éventuelles
failles dans le terrain et les traiter. Le creusement de la fenêtre
et de la galerie de reconnaissance est exécuté de façon
traditionnelle. D’après la réponse obtenue lors
de la présentation effectuée au cours du dîner
de la veille, il apparaîtrait que cette fenêtre devrait
être condamnée une fois l’ouvrage principal achevé.
Après achèvement des travaux de génie civil,
la voie à l’écartement UIC sera posée sur
dalles de béton, puis la caténaire 25 kV sera implantée
à une hauteur de 5,30 mètres avec possibilité
de l’élever à 5,60 mètres pour dégager
le gabarit d’autoroute ferroviaire (à titre de comparaison,
la caténaire du tunnel sous la Manche est à 5,92 mètres
maximum). Enfin le système de signalisation ERTMS niveau 2
sera à son tour installé… si tout va bien ! En
effet, il est prévu que la ligne dispose de l’équipement
nécessaire pour fournir un second système d’opération,
ERTMS niveau 1, qui permettrait de conserver le contrôle des
trains en cas de défaillance de la radio. Enfin, l’installation
des systèmes français, TVM 430, et espagnol, ASFA, pourra
être décidée si les spécifications techniques
d’interopérabilité ne sont pas stabilisées
le moment venu. Néanmoins TP FERRO n’a pas prévu
pour l’instant cette dernière solution, qui est celle
mise en œuvre pour le TGV EST (ERTMS et système de secours
TVM 430). Les vitesses pouvant être pratiquées seront
de 350 km/h avec ERTMS niveau 2, et 300 km/h avec ERTMS niveau 1.
Dans ces différentes configurations, l’intervalle entre
trains varie de 2 min 30 s à 5 min 30 s. Le trafic prévu
en 2035 est de 40 TGV, 36 trains de voyageurs classiques et 116 trains
de fret par jour et par sens. Mais lorsqu’on compare le trafic
actuel du tunnel sous la Manche avec celui prévu dans les projets
des années 1980, on ne peut qu’être très
circonspect, quant à ces prévisions. Le coût de
la ligne « Perpignan - Figueras » est actuellement
de 949 M€. Nanti de toutes ces informations et après avoir
revêtu casque et veste à haute visibilité, le
groupe fut conduit vers le tunnelier « Tramontana »
dominé par le fort de Bellegarde.
Il est bon de noter que nous fûmes le premier groupe de visiteurs
admis sur le chantier après l’inauguration ministérielle
franco-espagnole du 19 juillet 2005.
Au cours de notre cheminement vers le tunnelier, nous avons longé
l’aire de stockage des voussoirs préfabriqués
et avons pu remarquer en particulier les voussoirs du radier, sur
lesquels reposera la voie, d’un type identique à celui
mis en œuvre dans le nouveau tunnel suisse du Lötschberg.
Ce type d’anneau évite, contrairement à ce qui
fut le cas dans le tunnel sous la Manche, de couler sur place, une
dalle incluant les canalisations de drainage. Notre progression, en
file indienne, dans l’environnement confiné du tunnelier,
nous a menés jusqu’à l’arrière de
la roue de coupe, en passant par la salle de commande. Occasion unique
pour certains de pénétrer dans cet univers peu connu
situé dans les entrailles de la terre. Et à ce stade
de la visite, on ne peut que déplorer l’ingratitude à
l’égard des hommes qui œuvrent en sous-sol par opposition
à ceux qui construisent un ouvrage comme le Viaduc de Millau.
Ce dernier draine depuis les premiers jours de sa construction des
millions de curieux et d’admirateurs. Le tunnel du Perthus,
comme tous ses prédécesseurs et ses successeurs ne verra
passer que peu de spectateurs du fait de son inaccessibilité,
sauf quelques privilégiés dont nous faisons partie.
Lorsqu’elle sera achevée, cette traversée à
grande vitesse, ne permettra pas d’évaluer la prouesse
technique de sa réalisation, sauf à être en cabine
de conduite. Attendons maintenant le 17 février 2009 (l’heure
n’est pas encore précisée !) pour assister
à la mise en service des 44,4 km de la ligne à grande
vitesse « Perpignan (Le Soler) - Figueras »
dont la concession a été confiée pour 50 ans
à TP FERRO associant DRAGADOS, EIFFAGE, FORCLUM et COBRA. En
fait, le même groupement que celui de la construction. On n’est
jamais mieux servi que par soi-même !
Au cours du voyage de retour sur Perpignan par la route nationale
9 nous avons pu observer de plus ou moins loin, l’aire du portail
nord du tunnel à Montesquieudes-Albères, le début
des travaux du viaduc du Tech, du viaduc sur la ligne Elne –
Le Boulou et du pont sur la RN 9… sans oublier d’admirer
le Canigou. Ensuite la plate-forme de la future LGV s’éloigne
de la RN 9 et de l’autoroute A9 pour rejoindre la ligne Perpignan
– Villefranche vers Le Soler pour pénétrer en
gare de Perpignan… en attendant sa prolongation vers le nord.
En résumé, des visites originales et fort instructives,
remarquablement organisées qui ont comblé tous les participants.
Claude Bordas