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Voeux 2011

Invité d’honneur M. Kong Quan, Ambassadeur de Chine en France

Plus de 200 membres de l’AFFI ont participé à cette soirée des vœux organisée le 1er février 2011 dans le cadre magnifique des salons de l’Automolile Club de France à Paris.
Au cours de cette soirée, l’invité d'honneur, M. Kong Quan, Ambassadeur de Chine en France a brossé un tableau très complet des chemins de fer chinois, de ses origines aux lignes à grande vitesse actuelles.

Photos de la salle

Photo Président Affi   Photo Ambassadeur


Texte intégral, fourni par l’ambassade

La ligne des chemins de fer entre le Vietnam et le Yunnan a été réalisée et est considérée comme une grande école des ponts et chaussées français pour la formation des travailleurs chinois. Elle marque une étape importante dans l'histoire du développement des chemins de fer contemporains chinois. À partir de la première liaison ferroviaire réalisée par des Anglais en 1876, puis rachetée et démantelée dans la foulée par le gouvernement chinois de l'époque, les chemins de fer chinois ont suivi un long parcours difficile, en témoigne le développement de la Chine. Vous pouvez imaginer ce que nous avons vécu pendant cette période : des trains sur les rails tractés non par des locomotives mais par des chevaux, au motif que les empereurs avaient peur de cette locomotive qui crache de la vapeur. Et puis imaginez également un réseau ferroviaire d’un peu moins de 20 000 km dont la moitié, impraticable, composée d'une centaine de types de rails et d’une dizaine de standards. Telle est la réalité en 1949. Et puis en 1949, la nouvelle Chine, est né le développement ferroviaire faisant entrer la Chine dans une nouvelle ère. Mais c'est surtout avec la réforme et l'ouverture du pays qui a eu lieu en 1978 que les chemins de fer en Chine ont connu un développement rapide mais surtout soutenu. En effet, de 1978 à nos jours, la longueur du réseau est passée de 52 000 à 80 000 km. Nous avons déjà une ligne de 1 956 km sur le toit du monde dans les hauts plateaux de l'ouest de la Chine et puis nous avons aussi une ligne à grande vitesse de 1 318 km reliant Pékin à Shanghai, dont la réalisation sera terminée avant la fin 2011. Parmi les 25 000 km de lignes à grande vitesse mis en exploitation sur la planète, on peut dire que 8 300 km le seront en Chine. Quant aux locomotives, leur nombre est passé de 10 000, dont 8 000 vapeur, à 17 000 dont 11 000 diesels et 6 000 électriques. Pour mieux appréhender cet épanouissement des chemins de fer, nous devons mettre cela sur la grande toile de fond du développement économique de la Chine.

Bien que la Chine soit aujourd'hui la deuxième puissance économique dans le monde, ce chiffre doit être divisé par une population de 1,3 milliard, le revenu par habitant en Chine n'est que le 10e de ce que vous avez en France. Les disparités restent importantes. Depuis 1978, l'économie chinoise a connu une croissance extrêmement rapide autour de 10% depuis ces trente dernières années en moyenne. Elle est de 10,6 % en moyenne pour ces 5 dernières années, dans le cadre du XIe plan quinquennal qui fixait ce taux à 7,5 % en moyenne annuelle. Les réserves de devises ont atteint 2600 milliards de dollars, alors qu'elle était de 150 milliards il y a 10 ans et de 167 millions seulement en 1978. Aujourd'hui le tissu social a rapidement été modifié en Chine. Le pourcentage des habitants urbains en Chine dans la population totale est passé de 20 % en 1982 à 36 % en 2000 et à 46 % il y a un an. On compte aujourd'hui à peu près 230 millions de paysans qui travaillent en villes et chaque année, on compte 10 millions de paysans, avec le développement rural, qui viennent en ville pour devenir des citadins. Dans le processus de développement, on peut citer au moins 3 événements favorables à l'épanouissement et au développement du chemin de fer chinois.

D'abord nous avons eu une demande croissante. Le dynamisme de l'économie nécessite évidemment un réseau de transport performant pour assurer l'approvisionnement des matières premières et de l'énergie, l'accès des produits au marché et la mobilité des personnes. Dans un grand pays en développement comme la Chine, le train constitue aujourd'hui toujours le moyen de transport le plus économique, le plus utilisé, le plus sûr et, par conséquent, le plus sollicité. La demande est forte mais l'offre ne suit pas. Par exemple, pendant les 40 jours de nouvel an et de printemps,  il y aura 2,3 milliards de passagers, qui se déplaceront en utilisant tous les moyens de transport. Et puisqu'on parle de chemin de fer, celui-ci transportera 5 à 6 millions de passagers par jour sur le sol chinois. Nous sommes donc obligés d'augmenter les trains de voyageurs et de diminuer  fortement, voire d'arrêter, les trains fret. On transporte donc surtout les voyageurs, soit les citadins qui vont à la campagne, ceux qui viennent pour faire la fête en ville, ou ceux qui voyagent en Chine pour participer à des séminaires par exemple. Même situation quant au manque de lignes ferroviaires. Diviser la longueur du réseau ferroviaire de la Chine, soit 80 000 km, par 1,3 milliard. Cela donne 6 mm par habitant. Premier défi.

La capacité de financement. Le train est cher, le TGV encore plus. En France vous avez un prix estimé débutant à 12 millions d'euros par kilomètres de lignes à grande vitesse (Poitiers) jusqu'à 57 millions pour la ligne à grande vitesse PACA. En Chine, le prix est à peu près de 18 millions d'euros par kilomètre pour la ligne à grande vitesse entre Pékin et Shanghai. Donc des financements lourds. En revanche, il est quasiment impossible de rembourser la construction de la grande vitesse par le bénéfice de son exploitation. Si le TGV japonais est une exception, nos amis japonais ont mis quand même 30 ans pour le rembourser. Pour la grande vitesse de la Chine, il est encore plus difficile d'engranger des bénéfices vu que le revenu par habitant des Chinois est classé au-delà du centième du monde comme je l'ai dit plus tôt. Donc sans financements venus de l'État et assurés par nos réserves, la construction de la grande vitesse n'aurait jamais eu lieu en Chine.

En vue d'une meilleure rentabilité, le gouvernement chinois a choisi de développer un système de grande vitesse de la dernière génération, des technologies de pointe. À ce sujet des questions se posent. Sur la ligne Wuhan-Canton, la vitesse aujourd'hui est de 350 km/h. Sur la ligne Pékin Shanghai nous visons 380 km/h, d'où le nom de l'automotrice chinoise la plus récente CHR 380. Et puis nous avons laissé des marges de développement dans la conception des lignes. Par exemple pour la ligne à grande vitesse est-européenne, la valeur minimale du rayon de courbure des virages est de 6 000m. Pour une simulation à 350 km/h. Chez nous, on a fait un projet de 7 000m pour Pékin Shanghai et de 9 à 10 000m pour les lignes en construction en laissant,  ainsi, une plus grande marge en vue de l'élévation de la vitesse.

Mais nous ne sommes pas arrivés là d'un seul coup. À partir de 1997 le système ferroviaire chinois a commencé déjà à accélérer sur les parcours classiques, en six étapes consécutives, pour atteindre enfin en 2007 200 à 250 km/h en vitesse maximum que le réseau ancien puisse supporter. Sans cette étape, et sans cette expérience, la Chine n’aurait jamais abouti à la grande vitesse d'aujourd'hui.

La grande vitesse en Chine a fait beaucoup couler beaucoup d'encre. Des débats autour de ce sujet ont fait la une dans les médias chinois, mais aussi européens et français. En Chine, nous avons eu une polémique sur le but du dépassement de la vitesse, sachant que cela est très cher, puis le choix de la technique : sustentation magnétique ou système sur rail. Maintenant, une fois engagés dans le système sur rail, ce débat est clos. Une autre polémique reste. Entre les Chinois et nos amis étrangers : sur l'importation des savoir-faire étrangers et sur notre propre innovation, des questions se posent. Les innovations fusent mais se concentrent sur 3 points.

1. Pourquoi les Chinois sont ici-t-il si attachées à leur propre progrès sur la grande vitesse? Il suffit de revoir l'histoire du chemin de fer chinois comme je vous l'ai présenté tout à l'heure car la Chine a trop souffert du fait que le train était imposé par la force par l'étranger, puis développé en désordre des intérêts puis exploité de manière exclusive par d'autres pays. Dès sa naissance en Chine, le chemin de fer est un sujet de polémique, politiquement très sensible. Quand l'empereur était impliqué personnellement dans ce genre de projet, vous pouvez très bien en imaginer les conséquences. Alors que la Chine a fait des progrès dans plusieurs aspects,  il est donc tout à fait légitime que la Chine développe et possède un système de train à grande vitesse de propriété propre.

2. Comment la Chine va-t-elle réaliser cet objectif ? Par l'ouverture et la coopération, ou par ses propres moyens ? La question est très claire : il faut passer par la coopération internationale. C'est une partie gagnant-gagnant. Au lieu de jeu à somme nulle et l'importation de savoir-faire étranger, la Chine veut accélérer sa propre recherche et ses technologies. En échange, les partenaires étrangers peuvent profiter du marché chinois estimé à 1 000 trains automoteurs correspondant à 8 000 km de lignes à grande vitesse qui seront construites d'ici 10 ans.

3. Question la plus importante pour ceux qui sont hésitants concernant la grande vitesse et le transfert de technologies en Chine : la Chine ne porte-t-elle pas atteinte aux transferts de propriété intellectuelle des constructeurs étrangers ? Le transfert de technologie faisant l'objet de négociations, les constructeurs étrangers ont leur libre choix. D'ailleurs la Chine ne va copier les technologies étrangères, parce que tout simplement ni Alstom, présents dans la salle, ni Siemens, ne peuvent offrir un système complètement nouveau et adapté aux besoins réels du marché chinois, tant la disparité géographique et les conditions climatiques sont diverses. C'est la raison pour laquelle la Chine coopère en même temps avec plusieurs opérateurs français, allemands, japonais pour prendre chacun ce qui convient à la réalité chinoise et apporter les améliorations et modifications nécessaires. N'est-ce pas exactement le même parcours que vous avez fait pour développer l'EPR ou d'autres projets de grande envergure industrielle ?

Quant à la crainte d'une future concurrence chinoise, ni la crainte du repli ne sont des solutions. Il faudrait développer la recherche de nouvelles technologies et la compétitivité. Un mot sur la protection de la propriété intellectuelle. Je peux vous assurer que depuis 20 ans le gouvernement a mis sur pied tout un système de législation, de lois et de règlements en faveur de la protection de la propriété intellectuelle. Cela peut vous paraître quelque chose de facile mais quand vous jetez un regard rétrospectif sur le chemin que vous avez fait depuis 250 ans et que la Chine ne l’a fait qu'en 30 ans, je pense que le progrès va dans le bon sens.

À partir du moment où la propriété de la protection industrielle fait partie des obligations vis-à-vis de nos partenaires étrangers, lors de la promesse faite à l'occasion de notre adhésion à l'OMC, c'est devenu un besoin réel pour les industriels Chinois eux-mêmes, pour leurs propres intérêts. Cela est le progrès le plus important.

C'est une contrainte extérieure mais c'est aussi une contrainte pour leurs propres besoins de développement industriel. On va continuer à travailler dans ce sens et tous les cas d'atteinte à la propriété intellectuelle seront passibles du pénal. C'est un pas considérable franchi. Je ne dirais pas que tout est parfait mais c’est dans cette direction que le gouvernement souhaite  emmener l'ensemble du pays, que ce soient les industriels, les chercheurs, les hommes d'affaires.

Je porte pleinement confiance à la coopération sino-française parce que la Chine est le marché le plus important du monde mais aussi parce qu’aujourd'hui nous nous trouvons dans une phase extrêmement favorable de nos relations bilatérales. Je vais vous présenter ce que nous allons faire en quelques mots dans le domaine des infrastructures notamment dans les chemins de fer.

Comme je vous l'ai dit, le parlement chinois va examiner dans un mois le 12e plan quinquennal qui fixe les priorités sur le plan social, économique, politique, industriel et toutes les réformes envisagées et envisageables devant être réalisées d'ici cinq ans. Et dans ce 12e plan quinquennal que le parlement aura examiné, il y a quelques priorités que je me permets de vous évoquer. Notamment concernant le transport ferroviaire. L'accent est mis, d'ici cinq ans sur la grande vitesse. À l'horizon de 2020, le total du réseau dépassera 120 000 km dont 16 000 km dédiés aux transports de passagers à grande vitesse. Nous travaillons également améliorer les technologies des équipements, notamment des moteurs et des systèmes de signalisation. Pour lesquels nous avons beaucoup de collaboration avec des entreprises françaises. La deuxième priorité, au plan du transport en général, la Chine n'aura dans les cinq ans à venir non seulement un réseau ferroviaire mais aussi un tissu routier formé par 7 autoroutes radiales avec Pékin comme un cœur, et 9 autoroutes verticales avec 18 routes horizontales qui représenteront à peu près 100 000 km desservant 100 millions d'habitants.

Dans l'aviation civile, la Chine est en train de développer un plan à long terme qui définira les objectifs de l'industrie aéronautique avec le fameux C919, avion moyen-courrier de 150 places, que nous avons développé nous-mêmes, avec la participation très active de l'entreprise française SAFRAN sur les moteurs et sur le carénage. La troisième priorité dans le domaine énergétique est accordée au nucléaire dont le volume total actuel est de 34 000 MW. En 2020, nous visons un objectif de 86 000 MW. Nous améliorons également le réseau de distribution électrique par la construction de la « smart grid », réseau intelligent. En plus de ce grand marché chinois, la collaboration française bénéficie d'un environnement extrêmement favorable de nos relations bilatérales. En 2010, nos deux chefs d'État et deux Présidents d'assemblées se sont rendus visite et ont fortement promu nos coopérations concrètes dans un large éventail de domaines et en particulier ferroviaire. Dans cette perspective, je crois pouvoir compter sur vous toute l'élite de l'économie française, notamment des chemins de fer, avec nos entrepreneurs, ingénieurs et techniciens qui sont prêts à travailler avec vous pour aller toujours plus vite et plus loin.